Moisson
Moisson est une anthologie de poèmes de Charles Juliet.
- Editions P.O.L - 2012 -
Ce recueil invite à la rencontre; rencontre avec le poète, son parcours intransigeant et douloureux, d'homme et d'auteur en quête, quête de l'origine, de soi, d'être au monde, pour revenir à soi, aux autres, au monde.
Jean-Pierre Siméon signe une belle préface, juste et précise, au titre parfait : La conquête dans l'obscur.
Ce qui m'interpelle et me touche dans l'oeuvre - la quête - de Charles Juliet, c'est son intensité et son intégrité. Je cite J.P.Siméon : " elle n'a qu'une visée : trouver la source. " . J'aime cette sobriété de pélerin qui se demande incessamment " Comment aller / du labour aux moissons ".
Ce recueil comporte plusieurs parties témoignant du chemin de Charles Juliet de l'Enfance aux heures sombres jusqu'à l'Apaisement. Ce chemin doit être celui des Journaux également, dont le premier tome m'attend, après avoir lu Attente en automne, Un grand vivant ( consacré à Cézanne ) et le premier, celui qui m'a enchantée Dans la lumière des saisons.
Pour ce rendez-vous poétique avec Lili, je vous propose un florilège de poèmes choisis dans la partie intitulée Effondrement. Bien que Charles Juliet ait été proche de Raoul Ubac et de Bram Van Velde, je préfère associer son chemin aux paysages d'hiver de Monet.
.
Ma voix
ne peut rien
contre ce brouhaha
qui nous assourdit
nous expulse de nous-mêmes
nous laisse hébétés
mais si faible
et impuissante
qu'elle soit
je voudrais tant
pouvoir la prêter
aux humiliés
de la parole
si longtemps
j'ai été l'un d'eux
.
.
oublie ta fatigue
refuse de convenir
que tu as marché
en vain
jusqu'à ce jour
oublie ta fatigue
étouffe la voix
qui t'invite
à renoncer
et sache faire
meilleur accueil
à ton besoin
du retour
oublie ta fatigue
dresse-toi
à nouveau
chemine
à nouveau
n'admets pas
que ta patrie
soit l'exil
.
.
descendre
les yeux ouverts
à l'intérieur du gouffre
s'arracher
aux illusions
aux mensonges
aux complaisances
se laisser broyer
par la souffrance
qui naît de tout
ce qu'il faut rejeter
consentir
au silence
à la solitude
à l'effroi
dans cette juste
lumière
demeurer
nu
.
.
quand se ternit l'éclat
de ces instants
qui t'ont porté
au-dessus de toi-même
quand tu ne sais plus
ces jours et ces nuits
où te dévore cette faim
que rien ne peut combler
quand la conscience de ton désir
tarissant te lancine
te soumet à la plus insoutenable
des accusations
quand sans fin
se lamente
ce que par peur et lâcheté
tu n'as pas osé vivre
.
.
- Charles Juliet a reçu le Prix Goncourt de la poésie en 2013 pour l'ensemble de son oeuvre -
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Commentaires
1 Bonheur du Jour Le 04/02/2019
2 Lili Le 04/02/2019
Quant à ces paysages enneigés de Monet... On ne s'en lasse pas !
3 Aifelle Le 04/02/2019
4 Marilyne Le 04/02/2019
@ Lili : contente de te donner le goût de la découverte. J'ai relu avec grand plaisir Charles Juliet que je n'avais jamais lu poète. Pour Monet, peut-être est-ce décalé, il m'a semblé que cette atmosphère hivernale se prêtait à l'introspection, la solitude, des mots.
@ Aifelle : Le premier tome du Journal m'attend toujours, j'espère trop le moment idéal pour le lire. ( j'ai noté aussi les Entretiens avec les artistes, ils m'intéressent beaucoup ). Je te rejoins pour l'auteur et l'homme.
5 Dominique Le 04/02/2019
je me souviens l'avoir croisé place Bellecour il y a pas mal d'année, perdu dans ses pensées ....
6 Marilyne Le 04/02/2019
7 Anne Le 04/02/2019
8 keisha Le 05/02/2019
9 Marilyne Le 05/02/2019
@ Keisha : oui, je me souviens de tes lectures de Ch.Juliet ( et d'un passage au Salon du Livre de Paris pas loin de lui :))
10 Annie Le 05/02/2019
11 Marilyne Le 05/02/2019