Les oiseaux - Tarjei Vesaas
- Cambourakis - 2022 -
- Traduit du néo-norvégien par Marina Heide -
Mattis et Hege sont frère et soeur. À trente-sept et quarante ans, ils partagent leur existence dans une maison au bord d'un lac, Hege subvenant infailliblement à leurs besoins tandis que son frère, obnubilé par ses pensées et ses rêves, peine à s'ancrer dans la vie matérielle. Peu habile dans ses interactions avec les autres humains, qui déchiffrent difficilement ses réflexions tortueuses, Mattis témoigne en revanche d'une extrême sensibilité aux signes envoyés par la nature environnante. Son quotidien se voit ainsi transformé par l'arrivée d'une bécasse, avec qui il est persuadé d'avoir établi une connexion privilégiée. Cet événement exceptionnel va durablement bouleverser l'équilibre de ses relations avec sa soeur, pourtant pilier de sa vie, accentuant un décalage qui va aller croissant au fil d'autres rencontres marquantes.
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De Tarjei Vesaas, j'avais lu le roman le plus connu en première incursion dans son univers littéraire et dans les classiques norvégiens : Le palais de glace, fascinant roman. Je me suis donc réjouie quand j'ai vu que les éditions Cambourakis rééditaient les romans de l'auteur, en nouvelle traduction, en grand format.
Les oiseaux, roman datant de 1957, est d'une grande beauté, d'une belle sensibilité, tout en finesse.
La quatrième de couverture ne dit que le début de ce roman, la situation de Mattis et Hege, leur lien, leur vie modeste, isolée.
Mattis est un homme simplet, inadapté, celui que l'on considère comme " l'idiot du village ", il est surnommé le Benêt. A l'approche de la quarantaine, il ne parvient pas à travailler pour un fermier des environs, toujours détourné d'une activité par ses pensées qui se bousculent et s'emmêlent, illogiques et fragmentaires pour la communauté; pensées qu'il peine à exprimer, du moins à en exprimer l'enjeu que seul il perçoit. Mattis vit dans son monde, maladroit, absolument perméable à son environnement, celui de la nature, tout en sensations, de cette peur panique de l'orage aux battements d'ailes des oiseaux, aux formes des rochers. Mattis est désemparé, face aux villageois - ces autres " forts et futés " - face aux femmes, aux amoureux.
" Ces gens futés saisissaient tout en un rien de temps, pensa-t-il. Le plus souvent. Lui n'aurait pas pu prendre un ton pareil, il se débattait avec des choses bien trop compliquées, des choses graves, au fond."
Pourtant, il n'y a aucune animosité de la part de ces gens. Mais tout est complexe et épuisant pour Mattis, il y pense longtemps, il en souffre, il est honteux. Il ne parvient pas à trouver sa place bien que " ils ne te veulent pas de mal ". Cet épisode où l'épicier lui fait cadeau d'un cornet de bonbons dont il raffole alors que, pour une fois, il ne les a pas demandés pour "se conduire comme un homme " : " Un gosse, voilà pour qui on le prenait. Le pire, c'était la gentillesse de l'épicier. "
C'est son histoire qui nous est racontée, à ce moment de sa vie où s'opère un changement, un changement qu'il espère, qu'il croit lire dans le passage d'une bécasse effectuant sa parade nuptiale au-dessus de leur maison. Ce lien entre lui et l'oiseau nous dit tout de Mattis, sa façon de ressentir son environnement, d'y lire des présages, sa " pensée magique ", sa solitude, ses difficultés de relation aux autres. Il y aura d'autres rencontres et/ou épisodes déterminants.
Cette histoire nous est racontée d'une plume délicate, subtile, émouvante. Nous sommes au plus proche de Mattis, qui s'en remet à la nature. Les autres personnages nous paraissent bien loin, même si nous pouvons interpréter leurs paroles, leurs réactions. Aucun pathos facile sur les pages, pourtant déchirantes parfois, pourtant pudiques, en pleine conscience, magnifiques.
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" Mais au fond Mattis ondulait un chant : lui et la bécasse. Il se rendit dans le petit bois, juste là où les rubans invisibles s'étiraient dans le ciel. C'était ça, son chemin, le chemin du bonheur. Et cette fois non plus, il ne fut pas déçu : au bout d'un petit moment, il s'immobilisa.
Tu es toi, entendit-il murmurer, en tout cas, c'est ce qu'il comprit.
Dit dans la langue des oiseaux. En écriture oiseau.
Il se tenait près d'un fossé asséché, pile en dessous de la route de la bécasse. Son regard s'y était arrêté, comme ensorcelé. Et il lisait quelque chose qui lui était adressé, un message, disons. Sur la surface lisse et brune, il y avait les empreintes légères d'une patte d'oiseau, et dans la vase du marécage, une multitude de picotis ronds. La bécasse était passée par ici. Ces traces profondes, l'animal les avait faites en plongeant le bec dans la boue pour en extraire quelque chose à grignoter, ou simplement pour écrire.
Mattis se pencha et parcourut le message. Observa les légères empreintes dansantes. Cet oiseau est si fin, si léger, pensa-t-il. Mon oiseau trotte si légèrement dans les marais, quand il en a marre du ciel.
Tu es toi, lut-il.
En voilà un bonjour.
Mattis s'empara d'un baton avec lequel il piqua un coin de la masse brune encore vide, pour y laisser une réponse. Pas de banales lettres, c'était pour la bécasse, aussi employa-t-il l'écriture des oiseaux "
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- L'appel du Grand Nord pour Les Classiques c'est fantastique -
- Auteur des pays scandinaves avec Céline -
- Lecture autour du handicap avec Ingannmic et Eva&Patrice ( catégorie : mieux vaut tard que jamais... )
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Commentaires
1 Céline Le 20/12/2022
Merci pour la découverte :)
marilire Le 21/12/2022
2 Autist reading Le 20/12/2022
Mille mercis pour cette découverte (et quelque chose me dit que je n'ai pas fini de te remercier pour ça)
marilire Le 21/12/2022
3 Kathel Le 20/12/2022
marilire Le 21/12/2022
4 Nathalie Le 20/12/2022
marilire Le 21/12/2022
5 Aifelle Le 21/12/2022
marilire Le 21/12/2022
6 Ingannmic Le 21/12/2022
marilire Le 21/12/2022
7 Dominique Le 21/12/2022
Déchirant c'est bien le terme qui convient, on finit ce livre la gorge très sérrée
la plume est magnifique dans sa simplicité
marilire Le 21/12/2022
8 A_girl_from_earth Le 23/12/2022
marilire Le 23/12/2022
9 Anne Le 28/12/2022
marilire Le 29/12/2022
10 L'ourse bibliophile Le 29/12/2022
11 Katell Le 31/12/2022
Merci pour le partage qui attise ma curiosité: le titre est inscrit sur ma Liste A Lire.
12 Fanny Le 31/12/2022
13 Alice Le 08/01/2023