Une maison de poupée - Henrik Ibsen
- Babel 2016 ( Actes Sud 2009 )
- Traduit du norvégien par Eloi Recoing -
Nora est mariée à Torvald Helmer, avocat sur le point d'être nommé directeur de banque. Au fil des années, elle est devenue dépendante de son époux, esclave de sa condition de femme. Nora possède cependant un grand secret, avec lequel elle estime tenir son époux. Alors qu'elle a tout misé sur le compromis, elle ne supporte plus la mascarade de sa vie conjuguale.
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Lire le théâtre de Henrik Ibsen faisait partie de ces projets lecture incessamment repoussés. Il a fallu le rendez-vous initié par Margotte dans le cadre de son Challenge nordique pour que j'en prenne enfin le temps. Heureuse surprise que cette pièce dont je n'avais rien lu précédemment, heureuse découverte d'un auteur dont je n'ai encore jamais rien vu sur scène.
Sous son apparence classique ( en trois actes ), je n'imaginais pas que le propos pouvait être à ce point féministe dans un drame écrit en 1879, bien avant que l'émancipation féminine soit effective. Il s'agit bien d'un drame moderne.
Dans ces journées d'hiver, à la veille de Noël, au lendemain, Nora prend conscience, et prend acte, de sa situation de bourgeoise infantilisée, de sa vie réelle ( réalité qu'elle cherche toujours à détourner, n'aspirant qu'à l'insouciance ), (dé)possédée dans une maison de poupée; poupée de Papa, puis Alouette de son mari; fille de ..., femme de..., " petite créature indécise et désarmée ".
Elle est chantante, Nora, virevoltante, un agrément pour son mari paternaliste et fonctionnaire irréprochable, jusqu'à ce qu'elle soit rattrapée par l'engrenage glauque des dettes cachées pour lequel le couple va devoir faire face, se faire face. Autre dimension moderne, j'ai été frappée par l'omniprésence de l'argent, l'influence de l'argent en tant que pouvoir et/ou liberté, en tant que moyen de statut social. Dans cette pièce, les personnages interagissent autour des problèmes que pose le manque d'argent, mais aussi les limites de l'argent puisqu'il ne donne pas de sens, pas de justice.
J'ai été impressionnée par le regard si moderne sur la femme, pas seulement sur sa liberté légitime à revendiquer mais aussi sur le système qui la met en cage dorée ne lui permettant pas d'assumer de véritables responsabilités, la limitant à une parodie de féminité; système qui la met dans cette situation puis, pour en sortir, la contraint à affronter un choix qui ne peut être pleinement satisfaisant puisqu'il fait le sacrifice de la famille et des enfants.
Il me semble que cette pièce, si engagée soit-elle, interroge sur une nouvelle relation entre les hommes et les femmes, ne condamne pas le rôle masculin à son épilogue, pris aussi dans ce système. Cet épilogue, il appelle un grand miracle.
A la fin de la pièce, Nora part, mais elle ne sait rien. Comme disait le philosophe, elle sait qu'elle ne sait pas, qu'elle a tout à apprendre, d'elle, de ses possibles, lucide quant à l'opposition entre une telle prise de conscience ainsi qu'un tel choix et les règles d'une société qui assène, à travers son mari, les mots morale-devoir-sacré.
" - Helmer : Tu es d'abord et avant tout épouse et mère.
- Nora : ça, je n'y crois plus. Je crois que je suis d'abord et avant tout un être humain, au même titre que toi - ou en tout cas que je dois m'efforcer de le devenir. Je sais bien que la plupart des gens te donneront raison, Torvald, qu'on trouve ce genre de choses dans les livres. Mais je ne veux plus me contenter de ce que les gens disent ni de ce qu'il y a dans les livres. Je dois penser par moi-même et tâcher d'y voir clair.
[...]
- Helmer : Tu parles comme une enfant. Tu ne comprends pas la société où tu vis.
- Nora : Non, c'est vrai. Mais maintenant je vais m'y mettre. Il faut que je sache enfin qui a raison : la société ou moi. "
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Commentaires
1 niki Le 15/11/2017
2 Marilyne Le 15/11/2017
3 MTG Le 15/11/2017
4 Marilyne Le 15/11/2017
( serais-tu en train de me dire que je suis divergente ? ... ^-^ ). ( Sinon, pas vu le premier roman d'Anna Hope à la biblio, va falloir que je retourne en librairie :D )
5 Saxaoul Le 15/11/2017
6 Valérie Le 15/11/2017
7 Marilyne Le 16/11/2017
@ Valérie : peut-être en représentation, c'est mieux et encore plus fort.
8 claudialucia Ma librairie Le 16/11/2017
La cane sauvage aussi est une pièce intéressante.
9 Margotte Le 17/11/2017
10 Marilyne Le 17/11/2017
@ Margotte : Merci à toi pour ce rendez-vous, je vais également poursuivre la lecture. Et je me réjouis de la prochaine découverte, le livre est juste là ( très jolie couverture aussi :-) )
11 maggie Le 19/11/2017
12 Marilyne Le 21/11/2017
13 Tania Le 28/11/2017
14 Marilyne Le 29/11/2017