- Accueil
- Lectures
- Littérature Europe
- Argentine - Serge Delaive
Argentine - Serge Delaive
- Editions de La Différence -
Entre 2000 et 2020, entre l'Amérique du Sud et l'Europe, chaque personnage, Lunus, Juan Serafini, Henk, Sofia, Angel, Hernàn et Lucas, en proie à ses démons, emprunte sa voie personnelle. Les uns disparaissent, les autres les recherchent, la crise argentine de 2001 éclate... Chaque protagoniste interagit, de près ou de loin, avec les autres. Au lecteur de rassembler les pièces manquantes de ce puzzle, agencées comme des fractales, ces objets mathématiques qui illustrent si bien " l'effet papillon " ou comment l'inattendu peut se glisser au milieu des phénomènes les mieux ordonnés.
.
Roman choral, presque un roman comme un recueil de nouvelles, un roman passionnant. Comme l’indique la quatrième de couverture, ces récits se lisent comme autant d’histoires d’une mosaïque tout en étant indépendants les uns les autres. Ce sont les personnages qui se croisent parfois, pas leurs histoires. Une chaîne, là-bas ou ailleurs, ébauchant d’invisibles spirales. Ce sont des récits de vie, de vies en éclats entre Amérique du Sud et Europe, des contes de l’errance, de « l’impermanence », des destins en périples contemporains. Un roman en voyages et points de suspension.
Il y a une désespérance et une élégance de toute beauté dans ces récits. Pour chacun de ces « chapitres », son temps, son lieu, son rythme, son style, sa voix. C’est toujours l’un qui raconte un autre à la façon d’un récit biographique entre souvenirs et « A propos de ». La lecture est prenante sans tension, émouvante sans pathos, l’écriture fine, celle d’un romancier également poète sachant s’attarder sur les paysages et les ciels aussi bien que sur les moments, les sentiments. Et l’Argentine, si présente, si vraie, sous les mots de l’auteur, sous mon regard sur ses descriptions et explications. Les pages précises sur la crise économique et politique du début des années 2000 ne sacrifient rien à la sobre éloquence de la narration ; crise sociale et désarrois intimes, personnages touchés, touchants.
Tant de pages dont j’ai marqué des extraits. Alors, simplement l’un d’eux en mémoire personnelle :
« Lucas atterrit à Montevideo, en Uruguay, sur la rive oriental du Rio de la Plata. Depuis l’aéroport, il prend le bus jusqu’à Colonia où il saute dans le premier ferry à destination de l’Argentine. Un soleil de plomb pèse sur l’estuaire, aussi large qu’un bras de mer. Les eaux rouges et lourdes charrient lenteurs et terres enlevées. Buenos-Aires apparaît comme un mirage derrière la ligne crasseuse de l’horizon. La ville, bâtie sur une plaine sale, comme déposée sur la berge, écrase les fantômes de joncs et de roseaux. Lentement, le ferry entre dans le port, transition entre l’eau rouge et la terre grise. Le port tourne le dos aux immeubles. Un endroit étrange, constate Lucas qui débarque et avance vers le dédale quadrillé. L’eau, apparemment omniprésente, ne se montrera plus qu’en de très rares occasions.
Les premiers jours sont difficiles. Lucas se sent douloureusement seul. Oppressé, vide et seul. La chaleur poisseuse l’empêche de dormir. La ville est là, couchée dans la moiteur de la canicule, à l’envers de l’hiver. Lucas encaisse quinze millions de coups de klaxon.[…] Il se perd dans les faubourgs, tous pareils, juxtaposés. Il abandonne sa quête et se résout assez rapidement à forger sa propre mythologie. Voici donc Buenos-Aires, se dit-il : la ville oublie le fleuve qui la pleure puis, prise de remords, elle étale sa plainte à l’infini, canalisée le long d’avenues interminables. C’est alors qu’il commence à l’aimer. »
.
- Le lauréat du prix Victor Rossel 2009 pour le mois belge organisé par Anne et Mina -
*
Ajouter un commentaire
Commentaires
1 Martine Litterauteurs Le 12/04/2014
2 Marilyne Le 12/04/2014
3 Anne Le 13/04/2014
4 Marilyne Le 13/04/2014
5 Manu Le 13/04/2014
6 Liliba Le 13/04/2014
7 Marilyne Le 13/04/2014
@ Liliba : j'ai dit ça aussi :)
8 Nadège Le 16/04/2014
9 Marilyne Le 16/04/2014
10 Mina Le 17/04/2014
11 Marilyne Le 18/04/2014