Gloire tardive - Arthur Schnitzler
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- Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss -
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Ce titre est une publication posthume de l'auteur autrichien Arthur Schnitzler ( 1862 - 1931 ). Je n'avais jamais lu l'écrivain, qui était également médecin.
Ce récit nous raconte, sur un temps très court, l'aventure-mésaventure d'Edouard Saxberger, fonctionnaire âgé, plutôt satisfait de sa routine. Un jeune poète le sollicite. Il a lu un recueil qu'avait publié Saxberger dans sa jeunesse, le considère comme un maître, l'entraîne dans son cercle littéraire. Cette " jeune Vienne " ravive les souvenirs, les ambitions, la flamme éteinte du vieil homme, ses amertumes aussi.
Ce récit d'environ 150 pages se lit comme une nouvelle. La plume est classique, précise, perspicace. Nous suivons au plus proche les émotions de Saxberger, le feu qui se ravive, le bain de jouvence qui peu à peu va le renvoyer à ses insatisfactions de jeunesse, à son âge ainsi qu'à l'absence d'inspiration et de présence de la poésie ou d'envie d'écrire dans sa vie; à ses choix aussi.
Le ryhtme va crescendo dans l'implication de Saxberger avec le groupe littéraire, jusqu'à une soirée littéraire où tout se joue. Ces interactions avec ce groupe de jeunes auteurs en mal de reconnaissance, en opposition, en mouvement de renouveau incompris, sont le second thème de Gloire tardive. L'auteur y moque ce milieu, ses grands discours, ses théorisations, sa morgue, ses rivalités toujours sous-jacentes, son hypocrisie également.
Ce qui m'a frappée à cette lecture, si fluide, c'est cette finesse de l'écriture, la plume affutée quant aux sentiments, aux mouvements de l'âme, aux réactions.
J'ai pensé à certaines nouvelles de Stefan Zweig, au Bouquiniste Mendel pour le contexte, à La pitié dangereuse pour l'acuité, notamment.
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" Après un bref silence, Meier se leva et, prenant appui d'une main sur le dossier de sa chaise, il s'exclama : " C'est toujours la même histoire. Au début, on se contente du plaisir que l'on prend à créer et de l'approbation des rares personnes qui nous comprennent. Mais en cours de route, quand on voit tout ce qui monte à côté de soi, tout ce qui se fait un nom et, même, accède à la célébrité, on en vient à se dire qu'il serait quand même bon d'être enfin écouté et reconnu à son tour. Mais à partir de là, gare aux déceptions ! La jalousie de ceux qui n'ont aucun talent, la superficialité et la malveillance des critiques et, surtout, l'effroyable indifférence de la multitude. On finit par se sentir las, las, las. On aurait encore beaucoup à dire mais personne ne veut écouter et on finit par oublier qu'on a été soi-même l'un de ceux qui voyait grand, qui avaient peut-être créé quelque chose de grand. "
Saxberger accompagnait les paroles du jeune homme de lents hochements de tête approbateurs. Oui, c'était ainsi que ça s'était passé ainsi, et pas autrement. Il avait juste fallu que quelqu'un vienne pour le lui rappeler. "
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- Le billet de Patrice -
- Participation au rendez-vous de novembre en littérature germanophone : les Feuilles allemandes -
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Commentaires
1 Kathel Le 09/11/2020
Je n'ai jamais lu Arthur Schnitzler non plus, mais je me demande si je n'ai pas vu une adaptation théâtrale de La ronde... ou alors, je l'avais repéré à Avignon, sans réussir à aller le voir ! :) J'ai l'impression que ses romans sont tous de format assez court... ce qui devrait me permettre de faire une incursion dans son écriture.
marilire Le 10/11/2020
2 Anne Le 09/11/2020
marilire Le 10/11/2020
3 Dominique Le 10/11/2020
marilire Le 10/11/2020
4 Ingannmic Le 12/11/2020
Et je viens de terminer la rédaction de mon billet pour notre LC du 18 !
Bonne soirée,
marilire Le 13/11/2020
5 Patrice Le 14/11/2020
marilire Le 15/11/2020