De pierre et d'os - Bérengère Cournut
- Le Tripode - 2019 -
- Illustration de couverture de Juliette Maroni -
( porte-folio ici, elle signe de belles couvertures graphiques pour Le Tripode et pas que )
Dans ce monde de confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaires. Elle n'a d'autre solution pour survivre que d'avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d'une quête qui, au-delà des vastitudes de l'espace arctique, va lui révéler aussi son monde intérieur.
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Ce roman invite à un grand voyage, un voyage en terre et culture inuits. Il me semble que ce roman est aussi un hommage à ce peuple menacé par le monde moderne. L'auteure n'a jamais effectué ce voyage, en revanche elle s'est imprégnée-immergée par de nombreuses recherches, comme elle le précise en fin d'ouvrage. J'ai souri à la première ligne en découvrant que notre découverte de cette culture s'est déroulée de la même façon, par une exposition de sculptures inuits - " Je me demandais quel peuple pouvait produire des oeuvres à la fois si simples et si puissantes. " Ce parcours vers " un irresistible besoin d'exploration romanesque " a amené Bérengère Cournut à plonger durant dix mois dans le fonds polaire Jean Malaurie et le fonds d'archive Paul-Emile Victor ( bibliothèque du Museum d'Histoire Naturelle à Paris ) en résidence d'écriture.
Ce roman - employant le JE - nous raconte donc " un monde ancien toujours vivant " à travers une femme - Uqsuralik -, suivant ses pas sur plus d'un décennie. C'est un récit de survie et un roman d'initiation. La toute jeune femme doit survivre, séparée de sa famille. Nous suivons son parcours au fil des saisons, ses rencontres avec des communautés, des clans dans lesquels elle s'intègre ou non.
" Ce matin, en allant pêcher l'omble à la rivière, j'ai trouvé une paire de bois de caribou dans les lichens. J'ai aussi vu les premières traînées de gel. Je ne peux plus simplement dormir dans ma peau d'ours. Il me faut un abri.
Je ne repasse pas par le camp. Le phoque que j'ai laissé sous une dalle se situe plus au nord; c'est là, d'abord que je m'arrête. J'y passe quelques nuits dans ce qu'il reste d'une vieille maison d'hiver. Tout au bord du rivage, là où l'eau monte et descend à l'ombre d'une falaise, la glace se forme, se brise, fond, se reforme et s'agrège - ce sont les balbutiements de la banquise. On n'entame pas seule cette saison - je dois rejoindre un groupe humain. [...]
Je m'allonge sur la plage et j'attends le secours de quelqu'un. Si personne ne vient, je marcherai dans l'eau jusqu'à soulager cette vie qui me prend et qui, en hiver, ne résistera pas. "
La prose est fluide, limpide, alternant descriptions et actions, n'occultant pas la violence de cette vie, autant celle de l'environnement que celle des hommes, laissant la part belle aux chants, à la spiritualité. Les Esprits sont présents sur les pages, pleinement présents, rythmant le récit avec les textes des chants, qu'ils soient celui d'humains ou de personnages mythologiques. Car ce récit est celui d'une double initiation, le chamanisme en est l'un des thèmes, l'un des motifs devrais-je écrire, tout comme la maternité.
Si j'ai pris grand plaisir à lire ce roman, si je ne lui reconnais que des qualités ( au-delà d'une touche évidente de féminisme ), il ne s'agit pas d'une lecture coup de coeur. Peut-être parce que tout ce récit est attendu, tout y est, des coutumes, des croyances. Pourtant, sur les pages de belle saison, j'ai retrouvé la poétesse Joséphine Bacon, ses mots sur la toundra ( poésie ICI - un compte-rendu de conférence ICI )
Le récit conjugue des allures de documentaire et de fable par sa dimension spirituelle et intemporelle - le visible et l'invisible intimement mêlés - que l'épilogue ramène à la réalité contemporaine, à la relation aux Blancs. Le livre se clôt sur un cahier de photographies. Les ouvrages publiés par Le Tripode sont de belle qualité éditoriale, dommage que pour les photographies en double page, la pliure coupe de magnifiques portraits.
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- Lecture partagée avec Anne -
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Commentaires
1 papillon Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
2 krol Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
3 Dominique Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
4 Kathel Le 11/10/2019
Merci pour le portfolio de Juliette Maroni, on achèterait bien ces livres rien que pour les couvertures !
marilire Le 12/10/2019
5 Ingannmic Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
6 Cécile Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
7 Anne Le 11/10/2019
marilire Le 12/10/2019
8 MTG Le 12/10/2019
marilire Le 14/10/2019
9 Tania Le 13/10/2019
marilire Le 14/10/2019
10 Noukette Le 24/10/2019
marilire Le 25/10/2019
11 dasola Le 16/09/2022