Commissaire Ricciardi
- Editions Rivages Noir -
- Traduit de l'italien par Odile Rousseau -
Le commissaire Ricciardi est le personnage principal d'une série policière écrite par l'auteur italien Maurizio De Giovanni. Cette série suit les saisons : le premier opus s'intitule L'hiver du commissaire Ricciardi, viennent donc ensuite Le printemps et l'été. L'automne clôt le cycle.
J'ai rencontré le commissaire et son auteur lors des Quais du Polar à Lyon cette année, l'Italie étant le pays invité de la manifestation. Et ce fut une belle rencontre .
Ricciardi, " né avec le siècle ", est commissaire à la questure de Naples. Les quatres romans de ce cycle des saisons se déroulent durant l'année 1931.
Je reconnais que le choix de ce policier et de cet écrivain italien tient aussi au fait que j'ai eu la chance de séjourner à Naples et que ce séjour demeure un grand souvenir. Alors, quel plaisir de lire ( et reconnaître ) le nom des lieux, de pouvoir les situer, les visualiser ( j'avoue tout ICI des lectures napolitaines pré-Quais du Polar ).
Comme toute série policière qui se respecte, le commissaire est entouré d'une galerie de personnages récurrents dont la personnalité et l'histoire sont developpées un peu plus à chaque tome, tout comme celles du personnage principal. C'est en cela qu'il serait dommage de ne pas lire dans l'ordre le cycle.
Ce qui m'a accrochée à la lecture de ce cycle, c'est d'abord le brio des intrigues, foisonnantes, la finesse des scènes, une pudeur et une tendresse dans l'écriture malgré le genre et le contexte. Il s'agit de roman noir, il y a la violence des hommes, évidemment, mais surtout, il y a la violence sociale, la souffrance ( qu'elle soit physique, psychologique, sentimentale ), une profonde humanité dans toutes ses défaillances, et sa douceur aussi, parfois. Et ce qui m'a accrochée aussi, c'est ce rythme des saisons, parfaitement décliné à chaque roman. Ce sont des romans d'atmosphère dans lesquels les lumières, l'air froid, le souffle chaud, la pluie, le vent, le gris, le bleu, sont présents à chaque pas.
Pour chacun des romans, l'environnement change, nous explorons la ville et la société napolitaine, des rues populaires aux hôtels particuliers, tous les quartiers et toutes les hiérarchies. C'est Naples et tous ses visages.
Avec le commissaire Ricciardi, nous flirtons avec le fantastique. En effet, cet homme vit avec un don- une malédiction : il " voit " les morts, ceux de mort violente; il voit et il entend la dernière pensée. Sans en savoir plus. Il est difficile pour un homme qui vit parmi les fantômes de partager pleinement les joies des vivants. J'ai aimé les silences et la mélancolie du commissaire Ricciardi, ses convictions et son détachement aussi. Cet aspect fantastique ne change en rien le genre ni l'esprit des romans. Ce sont des romans réalistes, historiques. C'est l'Italie de Mussolini, les années de l'ordre fasciste, qui sont racontées, en filigranne. ce sont des histoires de climats...
Il me semble qu'à partir du troisième volume ( l'été ), le contexte fasciste devient plus présent, plus concret. Dans le quatrième ( l'automne ), il est incontournable avec la visite à Naples de Mussolini, avec la tension et les consignes que génère cette visite. Ce quatrième tome me semble le meilleur, certainement parce que cloturant le cycle, l'auteur y développe la menace fasciste et ses conséquences au quotidien, et/ou parce qu'il s'enfonce un peu plus loin dans la misère populaire napolitaine avec les scugnizzi - gamins de Naples, orphelins ou abandonnés, vivant dans la rue - , et/ou parce qu'il dénoue des situations latentes des romans précédents.
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" Le chemin du commissariat à Capodimonte correspondait à celui que faisait Ricciardi pour rentrer chez lui. Un long trajet qui, à un moment critique, se transformait en grimpette à couper le souffle. Il fallait prendre la via Toledo bordée de ses immeubles majestueux, traverser le Largo della Carita, passer devant le Spirito Santo, longer le Musée national; une ligne frontière avec les obscures ruelles des Quartiers espagnols, du port et de la sanita, bouillonnantes de vie et de souffrance, de gaieté et de pauvreté.
Ricciardi y pensait toujours, matin et soir, lorsqu'il sentait sur lui les yeux méfiants de ceux qui devaient se procurer de quoi vivre en catimini : cette rue en disait long sur la ville. Elle en disait tout.
Et elle changeait continuellement, saison après saison, offrant l'été une image torride où la saleté fermentait sous l'effet de la chaleur, ou, au printemps, un tableau coloré rempli de parfums répandus par les vendeurs de fleurs et de fruits qui proposaient leurs marchandises au passage des citoyens aisés; ou bien une fausse impression de calme l'hiver, malgré les affaires louches qui se tramaient dans les bassi proches de la rue principale, à l'abri du vent glacial qui soufflait sans relâche.
A présent, à cause de cet automne pluvieux, la longue avenue était parcourue d'innombrables ruisseaux provenant de ruelles adjacentes, emportant vers une mer hors d'atteinte les déchets et la saleté de la colline lointaine. "
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J'ai écrit Cycle des saisons car, à l'origine, l'auteur n'envisageait pas d'aller plus loin. Ce cycle ayant connu un grand succès, au point qu'il y a une adaptation en BD en Italie ( et bien que l'auteur écrive également une autre série policière se déroulant dans la Naples contemporaine - billet du jour de Kathel, parce que les grands esprits, et certainement des envie d'escapades italiennes partagées ;)), le commissaire Ricciardi a repris du service. Deux titres sont parus, maintenant traduits en français : Noël et Pâques ( avec la bonne nouvelle, Le Noël du commissaire Ricciardi vient de passer en format poche, il sera donc mon invité pour les fêtes :))
En furetant sur des sites italiens, j'ai vu quatre autres titres non traduits. J'en suis ravie, et très curieuse de savoir si Maurizio De Giovanni avance dans le temps au fil des romans, développant ainsi le contexte italien des années 30. Affaire à suivre.
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Commentaires
1 Kathel Le 28/11/2018
2 Marilyne Le 28/11/2018
3 Anne Le 28/11/2018
4 Marilyne Le 28/11/2018
5 niki Le 28/11/2018
6 Gwenaelle Le 29/11/2018
7 Marilyne Le 29/11/2018
@ Gwenaëlle : je crois que c'est ce qui rend cette série si attachante. Et la ville de Naples.
8 Lili Le 29/11/2018
9 Marilyne Le 30/11/2018
10 Jerome Le 30/11/2018
11 Marilyne Le 30/11/2018
12 maggie Le 01/12/2018
13 Annie Le 01/12/2018
14 Marilyne Le 02/12/2018
@ Annie : avec plaisir. Il me semble que cette atmosphère déclinée à chaque livre par une saison apporte vraiment à l'atmosphère du récit, à notre ressenti ( et empathie même ).
15 maggie Le 03/12/2018
16 Marilyne Le 04/12/2018
17 Florence Le 18/05/2020