La toile du Paradis - Maha Harada
- Editions Picquier - mai 2018 -
- Traduit du japonais par Claude Michel-Lesne -
Deux spécialistes du Douanier Rousseau sont conviés par un énigmatique collectionneur dans sa demeure de Bâle pour authentifier une oeuvre du peintre. Commence alors un véritable jeu de piste avec pour seul point de départ un récit anonyme en sept chapitres relatant les dernières années de la vie de l'artiste. Coupés du monde et partageant leur amour pour la peinture, Orie, jeune historienne de l'art japonaise, et Tom, assistant-conservateur au MoMA de New York, découvrent le mystère stupéfiant de la genèse d'un tableau célèbre et les perturbantes zones d'ombre du monde de l'art.
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Voici un roman japonais contemporain, un roman japonais sans contexte japonais puisqu'il se déroule principalement en Suisse.
L'auteur, Maha Harada, est historienne d'art, conservatrice de musée au Japon, spécialiste de la peinture moderne européenne. C'est cette passion qu'elle partage dans ce roman, à plaisir; une lecture pour le plaisir. Sans que cette lecture soit un coup de coeur, j'ai apprécié ce livre que j'ai lu avec facilité et intérêt.
La particularité de ce roman est qu'il nous présente un livre dans le livre, livre d'un auteur inconnu racontant la fin de la vie du peintre Henri Rousseau, un récit biographique s'attardant sur la création des dernières toiles dont Le Rêve. Ce récit nous emmène dans le Paris de Montmartre, les années 1910, celui de Picasso et Apollinaire.
Dans cette fiction, l'auteur imagine un second tableau, variation de ce Rêve, qu'il s'agit d'authentifier; prétexte à une romance, à de très belles pages sur le monde des grands collectionneurs et sur la relation aux oeuvres d'art, au-delà de la connaissance.
" Pour connaître un peintre, il faut regarder ses tableaux. Se tenir devant eux des dizaines, des centaines d'heures. En ce sens, je crois bien que personne ne peut passer davantage de temps devant une peinture qu'un collectionneur. Conservateurs, chercheurs, critiques... pas un n'arrive à la cheville du collectionneur. [...] le hasard, le flair, la fortune. Le destin des plus grands tableaux se joue sur ces trois éléments. "
" Ainsi, les grandes oeuvres ont parfois d'inattendues révélations à nous faire sur la vie. Et c'est précisément ce qui fait leur grandeur. La composition, les nuances, l'harmonie et la maîtrise technique ne font pas tout. L'adéquation de l'oeuvre avec son époque, l'émotion délivrée à celui qui la regarde, l'étincelle, la force d'attraction, cette indicible sensation, comme une démangeaison... L'oeuvre porte-t-elle en elle toutes ces petites choses décisives qui absorberont l'âme de son observateur ? L'oeil, la main, le coeursont-ils tous trois présents ? "
A travers les deux jeunes spécialistes, l'un assistant au MoMa, l'autre historienne aux articles prometteurs, nous découvrons l'envers des musées, la hiérarchie, la gestion des oeuvres, l'organisation des expositions temporaires et itinérantes, les liens et/ou accords à négocier autour des oeuvres majeures éparpillées dans le monde entier, ainsi que les quelques manoeuvres possibles des marchants d'arts réputés.
En lisant les passages consacrés à cet aspect, l'organisation d'expositions, j'ai pensé au musée de Cluny à Paris, musée du Moyen-Age qui abrite les tapisseries de La Dame à Licorne. En 2013, les tapisseries sont parties pour la première fois au Japon pour six mois, exposées à Tokyo puis à Osaka. Ce n'était que le second voyage des précieuses tapisseries, le premier ayant eu lieu dans les années 70 à destination du Met de New-York. Ce voyage était un échange. Le musée Cluny entamait une longue période de rénovation, il a bénéficié pour son réaménagement d'un mécénat d'une société japonaise. Durant les travaux, le musée étant fermé, les tapisseries n'étaient plus visibles par le public, elle pouvait être accueillies ailleurs.
J'avoue, penser à ce voyage de La Dame à la Licorne m'a incitée à retourner au musée Cluny. Les réaménagements sont presque terminés, le résultat est réussi, de beaux espaces, clairs, vitrés, permettant de voir de l'intérieur les fondations mises à jour que l'on pouvait regarder du trottoir du boulevard Saint-Michel. Disons que ces réaménagements sont dans l'esprit des espaces sous la Pyramide du Louvre. Après avoir salué la Dame, je me suis amusée en visitant la petite exposition temporaire consacrée aux licornes, tout aussi réussie, montrant l'historique et les symboliques de l'animal fabuleux, d'avant qu'il soit considéré comme fabuleux au même titre que les sirènes jusqu'à sa multi-réapparition contemporaine...
Mais je m'éloigne trop du sujet. Alors voici la toile intitulée Le Rêve ( 1910 ) du Douanier Rousseau, dont la couverture de ce roman présente un détail.
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Commentaires
1 Aifelle Le 21/08/2018
2 Annie Le 21/08/2018
Les collectionneurs me passionnent toujours. Juste à côté de Bâle on peut découvrir la merveilleuse Fondation Beyeler qui abrite dans un très beau bâtiment conçu pour elle, la collection du marchand d'art et collectionneur, Ernst Beyeler.
Une visite à ne manquer sous aucun prétexte !https://www.connaissancedesarts.com/non-classe/la-fondation-beyeler-bale-un-lieu-enchanteur-1189033/
3 Marilyne Le 21/08/2018
@ Annie : comme je répondais à Aifelle, il ne s'agit pas d'une biographie romancée mais il est très agréable de lire ces pages sur ce Paris, avec Picasso très présent... Merci pour le lien, je ne connaissais pas du tout cette fondation ( je connais d'ailleurs peu la Suisse, il va falloir prévoir un parcours ). La Fondation qui m'attire depuis quelques temps particulièrement, c'est la fondation Maeght à Saint-Paul de Vence ( pour cette ville aussi :))
4 maggie Le 21/08/2018
5 yuko Le 22/08/2018
6 niki Le 22/08/2018
7 Lili Le 22/08/2018
8 Marilyne Le 22/08/2018
@ Yuko : j'essaie de varier les genres ;) . Je continue jusqu'à la rentrée, j'ai encore du choix....
@ Niki : lecture plaisir, gourmande :)
9 Marilyne Le 22/08/2018
10 Cristie Le 24/08/2018
11 Marilyne Le 24/08/2018