L'invention de Morel - Adolfo Bioy Casares
- Robert Laffon 1973 -10/18 2017 -
- Traduit de l'espagnol ( Argentine ) par Armand Pierhal -
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J'ai lu pour la première fois l'auteur argentin Adolfo Bioy Casares il y a plus de cinq ans déjà avec son Journal de la guerre du cochon ( que je vous recommande ). Il était plus que temps de tenir la promesse de lire le roman qui lui apporta succès et reconnaissance.
Comme pour le Journal de la guerre du cochon, il s'agit d'un récit à l'atmosphère fantastique. Dans le premier, nous lisons une dystopie. Dans celui-ci, il s'agit plus d'anticipation. Ce que confirmeront les réflexions du narrateur en épilogue, s'interrogeant sur la pérennité et les usages à venir de sa découverte.
Ce court roman, une centaine de pages, date de 1940, il faut le replacer dans le contexte scientifique de l'époque ( à la façon dont on lit un roman de Jules Verne ou, plus proche, le Frankenstein de Mary Shelley ). Il est évident que le titre fait allusion au Docteur Moreau de Wells.
Le roman se présente comme un témoignage, un " rapport ", sans date, ni historique. Du narrateur, nous ne savons que peu, pas même son nom. C'est un fugitif, un " persécuté ", un condamné enfui. Sur une barque, sans espoir, il est parti vers une petite île de mauvaise réputation, inhospitalière, abandonnée, déserte - " la région est malsaine, hostile ". Cette île fut habitée, il y reste une vaste demeure, une chapelle, un moulin, des souterrains dont les salles abritent des machines complexes. Et cette île n'est pas si déserte. A " la centième nuit ", des personnes apparaissent, un groupe d'amis en villégiature autour d'un homme du nom de Morel. Le fugitif se cache, les observe, tente d'entrer en contact avec l'une des femmes présentes lorsqu'elle s'isole. Celle-ci s'en désintéresse, ne réagit pas.
Ce récit est déstabilisant et fascinant puisque nous ne lisons que ce que raconte le narrateur que nous connaissons si peu. Récit en interne, nous sommes enfermé dans son esprit perturbé, paranoïaque, comme nous sommes avec lui prisonnier le l'île ( sa situation pose questions quant à une définition de la liberté ). Nous nous interrogeons sur son attirance excessive pour l'inconnue aperçue, jusqu'à l'obsession; nous nous interrogeons sur ses personnes dont l'attitude relève de la garden-party sur cette île sauvage, malmenée par les marées. Est-ce asile de fous, hallucinations, complot ? Nous ne pouvons que lire les interprétations et les hypothèses de notre narrateur.
En fin de récit, l'explication est dévoilée, tout vient de cette invention citée dans le titre. Pour autant, l'explication ne clôt pas le récit. Elle entraîne les pages vers les réflexions et questions qu'elle induit. Elle donne toute une dimension émotionnelle à ce roman, par ce qu'en fera le narrateur, de cette invention.
Adolfo Bioy Casares, dans ce roman, nous parle de notre identité, de notre intrinsèque unicité et solitude, d'âme et d'apparence, d'immortalité. L'invention de Morel est un roman que l'on lit pris par la curiosité, il reste, dépassant la date d'écriture.
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Adolfo Bioy Casares ( Buenos-Aires 1914-1999 ) fut un écrivain précoce et prolixe ( ses romans sont réunis dans un volume aux éditions Robert Laffont collection Bouquins). Il a écrit nombres de nouvelles fantastiques. Epoux de Silvana Ocampo, poétesse, il rencontre Jorge Luis Borges en 1932. De leur amitié naîtra des ouvrages écrit en collaboration. J.L.Borges signe la préface de L'invention de Morel, préface passionnante sur la fiction, en débat, sur le roman psychologique face au roman d'aventures, qualifiant ce récit de " oeuvre d'imagination raisonnée [...] un genre nouveau ". En 1990, Adolfo Bioy Casares reçut le Prix Cervantes.
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- Buenos-Aires - 1994 -
Cette photographie est issue de l'ouvrage du photographe argentin Daniel Mordzinski Cronopios - Portraits d'écrivains argentins.
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- Participation au Mois de l'Amérique du Sud avec Ingannmic & Goran -
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Commentaires
1 Aifelle Le 09/02/2021
marilire Le 10/02/2021
2 Ingannmic Le 09/02/2021
(et j'ai récupéré ton lien).
marilire Le 10/02/2021
3 Jourdan Le 09/02/2021
Oui je recommande moi aussi cet auteur plus accessible que Borges.
On est vraiment happé par ce roman qui se passe sur une île très mystérieuse, avec des personnages qui le sont aussi. La part du réel et de l’imaginaire? et quand on comprend
ce qui se passe en réalité ,ça pose question sur la notion d’éternité.
Merci pour la chronique.
marilire Le 10/02/2021
4 Anne Le 09/02/2021
marilire Le 10/02/2021
5 Goran Le 09/02/2021
marilire Le 10/02/2021
6 A_girl_from_earth Le 09/02/2021
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