King
.
King, de Montgomery à Memphis est un film documentaire consacré à l'action de Martin Luther King Junior, son action en faveur de la mise en application des droits civiques des Noirs Américains; ses actions contre la ségrégation.
Ce film de Sydney Lumet et Joseph L. Mankiewicz date de 1970. Il est réapparu restauré sur les écrans ce 22 août 2018. Il dure trois heures, retraçant le parcours de Luther King de 1955 ( avec Rosa Parks et le boycott des bus de Montgomery en Alabama jusqu'à son assassinat à Memphis le 4 avril 1968 ).
Bien que j'ai conscience que ce film est hagiographique, c'est un grand film. Le parti-pris des réalisateurs permet de nous immerger totalement dans l'époque, dans les espoirs, la ferveur, la douleur. En effet, il n'y a aucun commentaire. C'est la voix de Martin Luther King sur des films d'archives qui s'enchainent, parfois une ou deux phrases à lire d'explications pour resituer par rapport à un événement. Ce sont les discours, les prêches, des décisions, les marches, les interviews. Et quelques minutes pour la remise du Prix Nobel de la Paix en 1964. En courtes séquences, des acteurs interviennent entre les images d'archives, récitant en monologue des extraits de discours ou d'oeuvres littéraires, comme des fables, Burt Lancaster, Anthony Queen, Sidney Poitier, Paul Newmann... d'autres que je n'ai pas reconnus. J'ai lu que ces " célébrités " avaient toutes été engagées, et présentes lors de la Marche sur Washington en 1963.
Ce que nous raconte ce film, ce sont les grands moments de cette volonté farouche et ce que nous raconte ce film, c'est la non-violence absolument revendiquée et assumée; et cette tenacité. Ces marches, inlassables, sur les trottoirs, pour ne pas gêner la circulation, pour ne pas être accusé de perturber l'ordre public, les chants, les prières. Et pourtant les arrestations, les échauffourées, les matraquages, les attentats du KKK. Sur des chants de gospel magnifiques, dans la tradition de ces chants, les paroles adaptées aux situations.
.
Le début du film met en contraste les discours qui revendiquent une guerre civile des leaders des Black Panthers, du KKK, et les appels de Luther King.
Evidemment, comme tout à chacun, je connais l'Histoire. Mais ici, je l'ai vue. Je sais bien que le fabuleux discours après la grande marche, prononcé à Washington devant plus de 250 000 personnes, de toutes les couleurs, il est possible de le lire, de l'entendre, de le voir, notamment par internet. Mais y assister comme ça, sur grand écran, juste en face, ce I Have a Dream, ça pique un peu les yeux.
Et puis, ce que j'ai apprécié dans ce film, c'est à la fois la proximité humaine et la pudeur. Il n'est question que de l'action contre la ségragation; les actions légales qui demandent l'application de la Constitution américaine.
Plusieurs aspects m'ont frappée en regardant ce documentaire. D'abord, bien-sûr, " la haine ordinaire " et la violence systématique, de paroles, de gestes, de coups. On le sait, mais à ce point si quotidien. J'ai presque été plus choquée par l'attitude de certaines femmes blanches, leurs mesquines malversations, que par les crimes du KKK. On voit ces petites bourgeoises mettrent en route leur arrosage près du trottoir quand le cortège arrive pour que les marcheurs soient arrosés de pas en pas. C'est tellement lamentable. J'ai vu la police fédérale devoir encadrer les marcheurs pour les protéger, ce après ce Bloody Sunday en Alabama, après la mort du pasteur James Reeb, mort des suites de coups reçus, pasteur blanc de trente-six ans, venu accompagner cette marche.
J'ai été stupéfaite de voir tant de croix gamées brandies par les Blancs Américains, à peine vingt ans après la Seconde Guerre mondiale, après le débarquement en Normandie où tant de jeunes Américains sont morts. Je n'ai pas compris qu'il n'y ait pas plus de réactions autour d'eux, par respect pour ces soldats. Mais j'ai vu, en effet, des hommes blancs décorés marcher, avec Martin Luther King, avec le drapeau américain. J'ai vu une population où se mêlaient les peaux de toutes couleurs autour de lui. Je n'avais pas perçu à quel point ce mouvement avait été soutenu par une part de la population blanche. J'ai vraiment vu deux Amériques.
.
Et ce que je n'avais pas perçu non plus, orientée que j'étais sur l'aspect citoyen, civique, c'est à quel point ce mouvement a été un mouvement chrétien, partant des temples comme des églises, soutenu par ces croyants militants, qu'ils soient protestants ou catholiques.
C'était terrible d'entendre Martin Luther King annoncer sa mort, trop d'hostilité, trop de menaces, trop de violences. Dans certains de ses derniers discours, il l'envisageait, disant qu'il n'irait peut-être pas au bout du chemin, mais que ils étaient montés ensemble sur la montagne, qu'il avait pu voir loin.
Je suis d'accord avec le pasteur qui prononça son éloge funèbre, Martin Luther King Junior était un prophète. Et nul n'est prophète en son pays, hélas. Mais comme il l'a dit lors de son dernier sermon, ce qu'il nous lègue, c'est une vie d'engagement.
Alors, malgré toutes les violences, ce film, sans lyrisme surnuméraire, il réchauffait tout de même le coeur.
*
Ajouter un commentaire
Commentaires
1 Autist Reading Le 07/09/2018
2 Lilly Le 08/09/2018
Moi aussi je trouve les mesquineries bourgeoises presque pires, parce qu'elles montrent à quel point le racisme est ancré dans la société et pas seulement marginal.
3 Alys Le 08/09/2018
4 Marilyne Le 08/09/2018
@ Lilly : c'était terrifiant, ce qui m'a prouvé qu'il y a une énorme différence entre savoir et voir ! Pour le film, je n'ai pas vu passer les trois heures, immergée.
@ Alys : je doute aussi :)
5 niki Le 08/09/2018
6 maggie Le 08/09/2018
7 dasola Le 09/09/2018
8 Valérie Le 09/09/2018
9 Marilyne Le 10/09/2018
@ Dasola : bonjour Dasola. J'espère aussi que tu pourras le voir, il n'est pas si facile à trouver, du fait de sa durée et aussi parce que c'est un documentaire je pense.
@ Valérie : oui, j'imagine bien que tu me passes pas à côté de l'action de Luther King; et j'imagine les petits frissons à partager ce texte avec des jeunes. En collection Points, on peut trouver les grands discours en bilingue, pour les lecteurs comme moi, c'est-à-dire ceux qui ne lisent pas en VO :)
10 Annie Le 16/09/2018
11 Marilyne Le 16/09/2018