Guernica
- Exposition au Musée Picasso Paris ( dans le Marais, ce qui ne gâche rien ) jusqu'au 29 juillet -
Plantons le décor tout de suite, la toile gigantesque est restée en Espagne, où elle est exposée depuis 1981, à Madrid au Museo Nacional de Arte Reina Sofia. L'oeuvre ne voyage plus. C'est à dire que oui, c'est une exposition sans l'oeuvre originale, ce qui n'empêche pas cette exposition d'être très intéressante. C'est une approche contextualisée de l'oeuvre qui est proposée plus qu'une approche artistique. Une histoire, la création de Guernica, dans l'Histoire et sa postérité.
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Evidemment, l'exposition s'ouvre sur une reproduction du tableau, sur l'iconographie de Guernica, le taureau, le cheval, le soldat mort, les femmes. Nous approchons les sources d'inspiration. Les premières salles sont consacrées à d'autres tableaux, notamment ceux avec le Minotaure. Puis nous revenons sur l'image de la femme, expression de la douleur, tant humaine que civile, la mère éplorée, la pieta.
- La dépouille du Minotaure en costume d'Arlequin - 1936 -
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Avant de nous aventurer dans le processus créatif, une salle nous rappelle la Guerre d'Espagne, avec des affiches, des photographies, et le massacre de Guernica le 26 avril 1937, avec des journaux d'époque; ces journaux par lesquels Picasso a su, a vu. Ce qui a transformé son projet. A l'origine, la grande toile n'avait pas de sujet fixé. Elle avait été commandée fin 1936 par la République espagnole pour le pavillon national de l'Exposition internationale des Arts et des Techniques de Paris qui se tiendrait en 1937. Nous voyons les esquisses, l'évolution de la thématique, l'engagement. Dès le 1er mai, Picasso réalise de nouvelles esquisses, représentant cette fois le bombardement. Il réalisera la toile extrêmement rapidement, malgré ses dimensions ( 349,3 X 776,6 cm ), à peine un mois.
Nous pouvons voir les dessins préparatoires, les scènes indépendantes qui prennent forme, qui évoluent, puis les études de composition. La série de dessins en couleurs et de peintures de " mère à l'enfant " et de " femmes qui pleurent " sont impressionnants, ils frappent. Puis nous voyons la toile se peindre, la composition se réaliser, littéralement, à travers le travail photographique de Dora Maar. Compagne de l'artiste à cette période, photographe professionnelle, elle reçoit une commande pour un numéro hors-série de la revue Cahier de l'Art : documenter les étapes de création de Guernica en les photographiant. Picasso accepte. Les photographies étant développées au fur et à mesure, l'artiste les voit. On dit qu'il aurait renoncé à la couleurs par ces photographies noir et blanc, choisissant une esthétique plus graphique, plus radicale, directement inspirée des photographies journalistiques d'époque, dans l'esprit de diffusion médiatique, comme en accord avec celles qui paraissaient dans la presse pour raconter-alerter sur la Guerre d'Espagne.
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- Photographie Dora Maar - 1937 -
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Le parcours de l'exposition est chronologique. Il nous emmène donc ensuite à l'Exposition Universelle, présentant une maquette du Pavillon espagnol et des photographies d'époque. J'y ai découvert une toile de Joan Miro ( qui est portée disparue ) et qu'un mobile de Calder était installé dans la fontaine centrale, ainsi que Guernica y était accompagnée d'un poème de Paul Eluard reproduit à l'étage du Pavillon. Ce poème est également reproduit sur un mur de cette salle de l'exposition.
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Les pérégrinations de l'immense toile avec l'Exposition Universelle, c'est aussi toute une histoire. Et une chance. Elle a été exposée en Europe ( Londres, Milan, Oslo... ), étendard de la République espagnole. En 1939, elle arrive à New-York pour un itinéraire d'expositions américaines. Elle y restera toute la durée de la Seconde Guerre Mondiale. Elle sera ensuite conservée au MoMa, avec les esquisses. Guernica ne sera restituée à l'Espagne qu'en 1981, après la mort de Franco, selon la volonté de Picasso. La toile ne devait revenir en Espagne qu'une fois " la République restaurée " ( propos de Picasso dans le journal Le Monde 1969 ).
Guernica est un chef d'oeuvre de l'art moderne, un symbole historique et une icône. C'est ce qui fait sa force si profonde d'évocation, elle est la peinture de l'horreur des guerres, des dictatures, de la barbarie. On voit, par les esquisses, comment, peu à peu, Picasso enlève toutes marques d'identifications - temporelles, politiques... - Au contraire, le soldat tué, est celui du mythe, ses attributs semblent ceux de l'Antiquité, le casque, la lance. Cette peinture est terrible car elle nous raconte une histoire universelle. Encore maintenant. C'est ce que nous montrent les dernières salles de l'exposition ouvertes aux artistes contemporains engagés dont les oeuvres sont inspirées de Guernica.
- Le site du Musée Picasso ICI -
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Commentaires
1 Saxaoul Le 08/05/2018
2 Marilyne Le 08/05/2018
3 yuko Le 09/05/2018
4 maggie Le 10/05/2018
5 Alys Le 10/05/2018
6 Tania Le 11/05/2018
A bientôt en juin à Bruxelles ?
7 dasola Le 12/05/2018
8 MTG Le 14/05/2018
9 Annir Le 14/05/2018
10 Marilyne Le 15/05/2018
@ Maggie : décidément, il va vraiment falloir que j'envisage une escapade espagnole :-)
@ Alys : ce que tu dis rejoint les propos d'un artiste contemporain exposé à cette expo : " tout le monde la voit, personne ne la regarde "
@ Tania : je n'ai pas suivi cette nouvelle critiqué de l'oeuvre. Ce qui m'a motivée pour cette expo, c'est l'histoire de la toile, jusqu'à nos jours. J'imagine bien que les interprétations peuvent être multiples.
Oui, pour Bruxelles, premier week end de juin !
11 Marilyne Le 15/05/2018
@ MTG : Oui, j'imagine vu sa dimension et sa valeur qu'on ne la déplace pas facilement. En ce moment, les tapisseries de La dame a la licorne sont sorties du musée Cluny de Paris, c'est tout un événement, elles sont pour plusieurs mois au Japon.
@ Annie : je ne sais pas si cela est vraiment important. Les critiques peuvent nous permettrent de regarder autrement mais je reste persuadée que ce qui fait aussi l'art, c'est la subjectivité, ce que nous voyons-ressentons. C'est pour cela que j'ai aimé ce parcours, il n'était pas si artistique mais historique, la conception et ce qu'a représenté la toile pour ceux qui la voyaient. À l'entrée de l'expo, autour de la grande reproduction, il y avait des citations de critiques, leurs interprétations, sans commentaires....