Ciné Février19
Un billet cinéma pour ce mois de février avec un film historique, un film d'animation et un documentaire :
- Sortie le 06/02/2019 -
- Film de Yorgos Lanthimos -
Début du XVIIIème siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustation d’ananas. La reine Anne, à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie Lady Sarah gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle servante, Abigail Hill, arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail va y voir l’opportunité de renouer avec ses racines aristocratiques. Alors que les enjeux politiques de la guerre absorbent Sarah, Abigail quant à elle parvient à gagner la confiance de la reine et devient sa nouvelle confidente. Cette amitié naissante donne à la jeune femme l’occasion de satisfaire ses ambitions, et elle ne laissera ni homme, ni femme, ni politique, ni même un lapin se mettre en travers de son chemin.
Bien plus que le récit de cette rivalité de femmes, ce qui me reste de ce film, c'est son atmosphère et l'esthétique de la reconstitution historique, tout le baroque déployé. Le spectacle. J'avoue m'être lassée en cours de projection de cette lutte des favorites alors que j'ai été totalement captivée par les images, les costumes, et surtout les maquillages, les prises de vues de scènes improbables de cour, par ces personnes grimées, leurs jeux; saisie par la bande-son, ces musiques qui peuvent sembler décalées mais servent parfaitement l'ambiance.
Ce film n'a rien du classique historique-en-costumes. J'ai ressenti un malaise durant le film, cette ambiance pesante, autant dans les quartiers des domestiques que dans la chambre de la reine ou dans la maison des prostituées. Tout y est crû et cruel, autant physiquement, psychologiquement, qu'oralement. Je crois que ce malaise venait aussi que, dès le début du film, j'ai été bouleversée par la reine, ses douleurs, ses angoisses, sa solitude de vieille dame en deuil de tous ses enfants, si peu considérée finalement, momifiée dans sa royauté. La prestation d'actrice de Olivia Colman est magnifique, magistrale.
- Pour en savoir plus sur ce film : le billet de Niki -
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- Minuscule 2 : Les mandibules du bout du monde - Sortie le 30/01/2019 -
- Film de Thomas Szabo & Hélène Giraud -
Qu'il est joli ce film d'animation. A voir absolument pour le plaisir des yeux et du moment. Tout est fin, les images et l'humour associé à la beauté de la technique qui ne néglige pas un rythme d'aventures soutenu. Ce film est monté à partir de vues réelles des sites, des plantes et objets, sur lesquelles sont ajoutés les personnages. Et ces personnages ont des bouilles, des attitudes fabuleuses. Le fim est muet, seulement les bruits, le langage des insectes. Une immersion élégante, intelligente. J'ai adoré les clins d'oeil comme le bateau pirate d'une célèbre marque de jouet, ce bateau flottant dans le ciel grâce à des ballons rappelant l'univers de Miyazaki, la musique d'opéra...
De la belle animation française, Minuscule est grand :)
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Cette année 2019 s'annonce très intéressante du côté de l'animation avec, en avril le film brésilien Tito et les oiseaux ( une étrange épidémie, une maladie qui frappe lorsque on ressent de la peur... ), en septembre L'extraordinaire voyage de Marova de la réalisatrice roumaine Anca Damian, et , en octobre, l'adaptation du roman jeunesse de Dino Buzzati La fameuse invasion des ours en Sicile par Lorenzo Mattotti ( non moins fameux illustrateur italien ).
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- Sortie le 13/02/2019 -
- Film espagnol de Almudena Carracedo & Robert Bahar - Présenté par Pedro Almodovar -
1977. Deux ans après la mort de Franco, dans l’urgence de la transition démocratique, l’Espagne vote la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques mais interdit également le jugement des crimes franquistes.
Les exactions commises sous la dictature et jusque dans les années 1980 (disparitions, exécutions sommaires, vols de bébés, torture) sont alors passées sous silence.
Mais depuis quelques années, des citoyens espagnols, rescapés du franquisme, saisissent la justice à 10.000 kilomètres des crimes commis, en Argentine, pour rompre ce « pacte de l’oubli » et faire condamner les coupables.
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Alors que je terminais la lecture des Soldats de Salamine de Javier Cercas, j'ai remarqué ce film, interpellée par le titre et l'affiche. Âmes sensibles s'abstenir. L'émotion est prégnante, l'émotion de ces gens qui revendiquent leur droit à la justice, au souvenir.
Tout est dit dans le synopsis. Le film nous permet de comprendre les démarches effectuées pour la reconnaissance des crimes durant la dictature de Franco. Les survivants, les descendants, les familles, demandent la reconnaissance des faits, et des informations. Il s'agit des disparus, des exécutions expéditives, des bébés volés, des arrestations et tortures sans jugement. Ce n'est pas précisément la période de la guerre civile mais la dictature qui a duré tant d'années, condamnant les manifestations étudiantes, les syndicats, la liberté de la presse, les partis politiques opposants... Quant aux bébés volés, la pratique a perduré bien après la guerre civile, ce n'était plus pour " éradiquer le gène rouge " mais sous couvert de morale, enlever les enfants des filles mères et des familles pauvres " ayant trop d'enfants ".
Ce film nous présente l'historique des procédures, toujours en cours, pour rompre ce " pacte de l'oubli " et parvenir à révoquer la loi d'amnistie générale. Pour cela, les plaignants doivent déposer leur plainte dans un autre pays, ce sera l'Argentine. Et il faudrait que les crimes du franquisme soient reconnus comme crime contre l'humanité pour abroger cette loi d'amnistie ( avec un tribunal international et pas de prescription ).
Il sera question de Pinochet, de son jugement et de sa condamnation, obtenus par l'Espagne, par le juge Garzon, qui sera écarté lorsqu'il voudra enquêter sur les crimes du franquisme.
Le film est constitué d'images d'archives ( des années 30 aux années 80 ) et de nombreux témoignages, d'interviews y compris de la juge argentine en charge de ce dossier. La caméra est au plus proche des membres actifs du collectif de plaignants. Ils sont peu soutenus, y compris par la population, dont une part commémore encore le décès de Franco. Ces membres sont accusés de désir de vengeance, de passéisme contre la réconciliation, de mettre en péril l'équilibre du pays en ravivant d'anciennes haines. Avec leurs modestes moyens, ils vont parcourir l'Espagne pour faire connaître leur action, recevoir des soutiens. Certains vont aller jusqu'à Buenos-Aires pour témoigner devant la juge ( les auditions en visioconférence ont été annulées par pression politique ).
S'il est bouleversant ce film, il est sobre en fait. Pas de trémolo, de lyrisme, la réalité, la réalité de l'émotion, des blessures de ces gens, qui attendent justice, qui attendent de pouvoir enterrer dignement un père, un frère, une mère. Les voix qui se brisent, qui chuchotent. Ce sont les fosses communes face au tombeau pharaonique du Caudillo. Parce que ce film, ce sont ces personnes, leur regard, leurs questions, leurs silence à eux aussi; cette vieille dame de noir vêtue, Maria Martin, ayant des difficultés à marcher qui dépose un bouquet au bord d'une grande route goudronnée. Sa mère est dans le charnier en dessous. C'est cette autre dame qui ne veut pas mourir tant qu'elle n'aura pas enterré son père. Lui est avec 22 autres, dans un charnier situé dans un cimetière, une tombe collective contre un mur sur lequel on voit encore les impacts de balles. A plus de 70 ans, elle est allée en Argentine, elle s'est prêtée aux tests ADN. Longtemps, il était interdit de s'approcher de ces tombes. Les gens, de l'autre côté du mur, jetaient des fleurs par dessus.
Ce film, dont la réalisation a duré plusieurs années, nous montre que l'oubli ne guérit pas, qu'on ne peut pas l'imposer. Que la réconciliation passe par la justice, et par la mémoire.
Ces sculptures représentant des corps d'hommes et de femmes sont installées sur des rochers surplombants, un monument à la mémoire des victimes du franquisme. Quelques temps après leur installation, il a été tiré des coups de feu pour les abîmer. L'impact des balles est visible ( marque blanche de l'épaule endommagée sur cette photographie ). Des sculptures avec des cicatrices visibles. L'artiste ayant réalisé ces sculptures a dit que ces impacts parachevaient son oeuvre...
Ce film a reçu le prix du public du documentaire au festival de Berlin 2018 et le Goya du meilleur documentaire du cinéma espagnol.
- Un article qui présente bien le film dans Le Monde ICI - Un article sur la réalisation dans Télérama ICI -
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Commentaires
1 Aifelle Le 20/02/2019
2 Kathel Le 20/02/2019
3 Ingannmic Le 20/02/2019
4 niki Le 20/02/2019
5 Dominique Le 20/02/2019
Minuscules j'ai emmené mes petits enfants pour leur grand plaisir et pour le mien, c'est très réussi
La Favorite je suis à la fois tentée et un peu repoussée par le personnage on verra
par contre Grace à Dieu et le silence des autres ça se sont des incontournables
6 maggie Le 20/02/2019
7 Mina Le 20/02/2019
8 Marilyne Le 20/02/2019
@ Kathel : je te crois que les acteurs sont formidable, il y a Viggo Mortensen :) ( je garde un grand souvenir du film " loin des hommes )
@ Ingannmic : j'espère que le documentaire restera suffisamment à l'affiche, ce n'est pas toujours le cas pour ce type de film.
@ Niki : avec plaisir pour le lien :)
9 Marilyne Le 20/02/2019
@ Maggie : les documentaires cinéma sont moins médiatisés, alors qu'il y a dans ce genre de grands films.
@ Mina : la scène finale m'a surprise, au sens où je ne m'attendais pas à ce que ce soit la scène finale( et pourtant j'ai trouvé le film un brin longuet ). Du coup, j'ai trouvé la fin abrupte. ( je crois que je vais m'épargner le film sur Marie Stuart ^-^ )
10 Mina Le 20/02/2019
Contrairement à toi, je suis assez tentée par le film sur Marie Stuart justement ^^ Sinon, dans un tout autre genre (une autre époque), j'ai noté Werk onhe autor.
11 Marilyne Le 20/02/2019
Je découvre avec ton commentaire Werk ohne autor ( j'étais étonnée d'un titre en allemand ). En France, ce sera Never look away ( ! ) d'après ce que je lis. Pas de date de sortie annoncée, seulement " prochainement ".
12 Kathel Le 21/02/2019
13 Marilyne Le 21/02/2019
14 Alys Le 23/02/2019
15 Marilyne Le 24/02/2019
16 dasola Le 02/03/2019
17 yuko Le 14/03/2019