Adapter Simenon
L'Institut Lumière est partenaire des Quais du Polar. Le programme de l'institut proposait, notamment, une soirée avec conférence et film sur les adaptations des romans de Georges Simenon.
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L'invité de cette conférence était le réalisateur Bertrand Tavernier, président de l'Institut Lumière, cinéphile incroyable tant il est passionné et érudit sur le sujet. Cette conférence était un hommage à Georges Simenon, décédé il y a 30 ans. Son fils John Simenon devait être présent, il a dû renoncer à sa venue à Lyon pour raisons de santé.
Bertrand Tavernier est une encyclopédie vivante, il nous a régalés d'informations et d'anecdotes, il a fallu l'arrêter tant il aurait pu nous raconter encore Georges Simenon, ses livres, le cinéma. Et pour cause : Tavernier est un grand admirateur, un grand lecteur de l'auteur belge, depuis toujours. Il a d'abord été lecteur, jeune, par le biais de l'énorme bibliothèque de son père, qui partait toujours en voyage avec un Maigret qu'il récupérait ensuite. Puis, il a découvert ses romans plus noirs et les adaptations au cinéma qui le ramenaient à la lecture, car quand le film lui avait plu, il cherchait le livre. B.Tavernier a toujours lu Simenon, il connait sa prolixe production. Il nous a parlé de ses romans coloniaux ainsi que de ses reportages qui ont été une source pour son film Coup de Torchon. Il nous dit de ces textes que " ce sont des textes forts, sociologiquement et politiquement. "
Ce n'est pas un hasard si son tout premier film, en 1974, fut l'adaptation d'un des romans de Simenon, L'horloger d'Everton, qui deviendra au cinéma L'horloger de Saint-Paul ( avec Philippe Noiret et Jean Rochefort. Le réalisateur transpose l'intrigue à Lyon, souhaitant mêler son amour de la ville de son enfance à son goût pour les atmosphères et les personnages de Simenon, rappelant ainsi que G.Simenon, ce n'est pas seulement le personnage de Maigret.)
Le réalisateur nous a raconté que Simenon avait aussi écrit sous pseudo, à ses débuts, des westerns et des romans " polissons "; il a ajouté avec humour que ces romans n'avaient aucune crédibilité... mais qu'il ne fallait pas oublier qu'il y avait eu un Simenon avant le Simenon de Maigret.
Au début de Maigret, on a reproché à Simenon de nombreuses erreurs. Alors il s'est rendu au Quai des Orfèvres pour voir, se faire expliquer. L'institution a collaboré, voyant une occasion de promotion. C'est ainsi que le personnage de Maigret a évolué. A l'origine, il portait un chapeau melon. Qu'on ne retrouve dans aucun film, il a été abandonné. Puis, Simenon a trouvé son style, ce style sobre, efficace, au coeur des émotions et des atmosphères.
Bertrant Tavernier a débuté la conférence en nous rappelant également la large place dans la littérature policière contemporaine de G.Simenon et ses liens étroits avec le cinéma, puisque, sans parler des adaptations de ses romans, l'auteur a été président du jury à Cannes en 1962. Cette année-là, il a remis la Palme d'Or au film La Dolce Vita de Fellini.
Georges Simenon est l'un des auteurs les plus adaptés par le cinéma français, avec des films dès les années 30, avec La nuit du carrefour en 1932 ( de Jean Renoir ). C'était Pierre Renoir dans le rôle de Maigret, que Simenon considérait comme le meilleur Maigret. Là, Bertrant Tavernier a ajouté que l'un des critères de l'auteur pour son personnage dans un film, c'était : " sait fumer la pipe / ne sait pas fumer la pipe ".
Selon Bertrant Tavernier, si Simenon a été autant lu et adapté au cinéma, ce serait parce que l'auteur s'intéresse bien plus aux atmosphères, aux lieux et à ses personnages, leurs personnalités et leurs relations, qu'à l'intrigue du récit - " La tyrannie de l'intrigue ne pèse pas sur les personnages " - , ce qui fait du récit, non pas " une machine anxiogène " mais une histoire humaine. Pour lui, Maigret, c'est un regard. Le romancier et scénariste américain W.R.Burnett le considérait comme l'un des plus grands romanciers criminels pour cette raison, supérieur à Chandler.
Le réalisateur a salué la qualité des dialogues d'Audiard ( lui-même grand admirateur de l'auteur ) qui a su rendre tout l'esprit " bousculeur " de Simenon dans les films. Il nous a cité l'adaptation Maigret tend un piège qu'il considère comme épatante, de rythme, de reconstitution des décors, de dialogues percutants avec un Gabin en Maigret crédible et passionnant.
Dans les années 40, durant l'Occupation, Simenon sera l'un des premiers romanciers à vendre ses droits à une société de production allemande, la Continentale, ce qui lui sera reproché à la Libération. Le film Des inconnus dans la maison ( 1942 de Henri Decoin ) sera même frappé d'indignité nationale, et donc interdit, parce que le coupable est identifié comme juif.
Les années 50-60 verront l'explosion des adaptations des romans de Simenon, avant que la télévision ( anglaise, allemande, danoise, norvégienne, suédoise, italienne, hollandaise... la télévision française sera l'une des dernières à proposer les enquêtes de Maigret ) s'empare du commissaire.
Le commissaire Maigret est apparu il y a 90 ans dans le roman " Train de nuit " , un roman signé Christian Brulls, l'un des pseudonymes de G.Simenon. Entre 1931 et 1972, l'auteur lui consacrera 75 romans et 28 nouvelles.
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- Participation au mois belge organisé par Anne -
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Commentaires
1 Annie Le 05/04/2019
2 niki Le 05/04/2019
3 maggie Le 05/04/2019
4 Aifelle Le 05/04/2019
5 Passage à l'Est! Le 05/04/2019
6 keisha Le 05/04/2019
7 Anne Le 05/04/2019
8 ellettres Le 05/04/2019
9 Dominique Le 05/04/2019
je n'aime pas l'homme Simenon mais beaucoup l'auteur et son héros
De très bons moments de lecture
10 Marilyne Le 05/04/2019
@ Niki : merci. Je connais peu l'univers de Maigret, je n'ai pas vu les films, c'était très intéressant et sympathique.
@ Maggie : et bien, après cette conférence, évidemment, je suis curieuse de certains films ;)
11 Marilyne Le 05/04/2019
@ Passage à l'est : oui, c'est vraiment une chance ! J'aime beaucoup cet institut qui nous permet de (re)voir des films plus anciens , présentés et sur grand écran. Pendant les Quais du Polar, il y avait une rétrospective Brian de Palma et des films choisis et présentés par des auteurs invités.
@ Keisha : oui, c'est un univers que j'ai vraiment découvert, autant pour les romans que les adaptations.
12 Marilyne Le 05/04/2019
13 Marilyne Le 05/04/2019
@ Dominique : oui pour la conférence, nous n'avons pas vu le temps passer, il a semblé même un peu court. Et ce fut l'occasion de voir L'horloger de St Paul que je n'avais jamais vu, de voir Lyon de cette époque.
14 Bonheur du Jour Le 06/04/2019
Bon week end.
15 MTG Le 06/04/2019
16 Lili Le 06/04/2019
Bon, cela dit, je ne parviens pas à me sortir Bruno Cremer de la tête lorsqu'on parle de Maigret...
17 Anne Le 06/04/2019
18 Marilyne Le 06/04/2019
@ MTG : et Tavernier est passionnant ! Comme toi pour Maigret, plutôt par la télévision, et je me souviens de cette atmosphère peu des intrigues. Du coup, j'aimerai bien voir un des films cinéma.
@ Lili : ah, ah, je ne suis pas étonnée pour L'horloger de St Paul. C'était étonnant pour moi de voir le Lyon de cette époque. Paraît-il que le film a eu un impact sur la mairie qui se serait décider ensuite à donner un peu plus de lustres à une " ville grise ".
@ Anne : Tu confirmes donc pour l'adaptation avec Mr Bean. Je garde le rang pour la dernière semaine ;-)
19 Alys Le 07/04/2019
20 Marilyne Le 07/04/2019
21 Kathel Le 08/04/2019
22 niki Le 08/04/2019
23 Marilyne Le 08/04/2019
@ Niki : c'est vrai que pour les quelques souvenirs que j'en ai, ce ne sont pas les personnages féminins qui brillent dans Maigret, ça reste du roman noir.