La rafle du Vel d'hiv - Cabu

- Tallandier - 2022 -

La rafle du Vel d'Hiv, qui fit près de 13 000 victimes, dont 4 000 enfants, les 16 et 17 juillet 1942, est l'un des épisodes les plus terribles de la collaboration de Vichy avec l'occupant nazi.

Cet album documentaire présente les quinze planches ( plus une inédite ) dessinées par Cabu en 1967 pour accompagner la parution du livre sur la rafle du Vel d'Hiv des historiens Claude Lévy et Paul Tillard, préfacé par Joseph Kessel. Le magazine Le Nouveau Candide en proposait les " bonnes feuilles " en prépublication. La rédaction de ce magazine s'adressa alors au jeune dessinateur de presse de 29 ans déjà reconnu Jean Cabut.

Le livre des historiens fut une bombe à parution. Dans les années 60, on commençait à peine à parler de collaboration de l'Etat français sous l'Occupation. La grande rafle du 16 et 17 juillet 1942 était étouffée, impliquant trop la police française, la complicité du gouvernement de Vichy. Le sous-titre est éloquent : " La Saint-Barthélemy des juifs de Paris ". Cabu qualifie ce document - écrit sur la base de recherches et de nombreux témoignages, les documents officiels n'étant pas accessibles - de livre-révélation, de " livre terrible qui me donnera des cauchemars en l'illustrant ". C'est pourquoi il decide de réaliser des illustrations " coups de poing dans la gueule ".

Avant les planches commentées par l'historien Laurent Joly, spécialiste du régime de Vichy, l'ouvrage présente le livre - dont restera cette expression Rafle du Vel d'hiv -, la réception de l'ouvrage dans le contexte de ces années 60, timide période de reconnaissance de la collaboration du gouvernement de Vichy répondant aux injonctions de l'occupant nazi, ainsi que le déroulé de cette rafle : son organisation administrative et pratique.

La rafle concernait les personnes juives " apatrides ", soit les personnes imigrées ayant fui en France. Dans la catégorie horreur, nous apprenons à la lecture de cet album que les administrateurs se sont posés pendant des jours la question de la déportations des enfants, puisque s'ils sont nés en France, ils sont français. Ayant reçu l'aval de Berlin quelques jours après la rafle, ils seront déportés, après avoir été séparés de leurs parents. Les familles sont entassées au Vélodrome d'hiver, dans le 15ème arrondissement de Paris ( il sera détruit en 1959 ), les adultes sans enfant sont envoyés à Drancy, aux portes de Paris, en Seine-Saint-Denis. A partir du 19 juillet 1942, ces personnes arrêtées sont déportés vers Auschwitz ou évacués vers les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Roland, dans le Loiret, en transit.

Sur ces sombres pages de l'histoire française, Cabu livre des planches au " dessin brut ", en clair-obscur ou si dépouillées que le ressenti est glaçant. On perçoit la solitude, la détresse des personnes raflées. Dépouillé ne veut pas dire simple. Les illustrations sont fouillées, chaque détail compte, le travail de composition est remarquable. Les visages et les postures sont particulièrement expressifs. Le livre des historiens ayant été écrit à partir de témoignages, Cabu met en image des histoires particulières également.

Les planches - grand format, pleine page - sont réalisées à la plume, en encre de chine et gouache, pour un trait fin, incisif.

Cet album accompagnait l'exposition temporaire au Memorial de la Shoah en 2022 - 80 ans après la rafle - Cabu dessins de la rafle du Vel d'hiv, présentant les originaux et des documents - ICI -

J'ajoute une information :

L'ancienne gare de Bobigny, en Seine Saint-Denis, gare de déportation vers Auschwitz-Birkenau ( d'où fut déportée Simone Veil ), est devenue un Memorial. Il a ouvert au public ce 18 janvier, son inauguration officielle aura lieu en juillet - un article ICI -

- Participation aux lectures autour de l'Holocauste -

Commentaires

1 Sandrine Le 29/01/2023

Je ne connaissais pas cet album et son rôle dans l'opinion française : c'est très intéressant. Il a été réédité à l'occasion de l'expo ?
J'ai écouté il y a quelques temps une série documentaire sur France Culture sur la rafle avec témoignages des enfants devenus adultes : c'est très émouvant.

marilire Le 29/01/2023

Ce n'est pas une réédition. Désolée, je n'ai pas été suffisamment claire. Les dessins sont issus d'une publication en magazine qui annonçait la parution du livre des historiens. C'était une prépublication d'extraits. Dans cet album, le texte du livre n'est pas repris. En revanche, il y a tout un travail documentaire, et chaque planche est commentée-explicité quant à l'épisode qu'elle illustre.
2 Kathel Le 29/01/2023

J'en ai entendu parler, je crois, au moment de l'exposition de 2022. Les dessins semblent très touchants, ce qui ne m'étonne pas de la part du génial Cabu.

marilire Le 30/01/2023

Cabu était sans conteste le dessinateur pour ce projet-sujet.
3 niki Le 29/01/2023

un livre que je ne connaissais pas, mais qui est un travail de mémoire très important

marilire Le 30/01/2023

Ce livre est extrêmement bien conçu, précis, documenté, les dessins sont parfaitement accompagnés.
4 Dominique Le 29/01/2023

j'ai lu le livre d'origine et il est recensé sur mon blog mais j'ignorais cet album d'accompagnement
je trouve magnifique qu'un dessinateur ait participé et ait pur ressentir toute l'angoisse et l'horreur
merci à toi pour cette info et celle de l'ouverture du Mémorial dont je vais informer mes enfants parisiens

marilire Le 30/01/2023

Cela faisait longtemps qu'il y avait ce projet de Mémorial, il a fallu attendre pour qu'il se réalise enfin.
5 Aifelle Le 29/01/2023

J'ignorais que Cabu avait dessiné sur le Vel'd'hiver. Merci de toutes ces informations, je vais regarder si c'est possible pour moi d'aller au nouveau mémorial par le train.

marilire Le 30/01/2023

Ce travail de Cabu a été une découverte pour moi aussi, par cette exposition.
6 Passage à l'Est! Le 30/01/2023

Tu évoques une "bombe" à la parution du livre en 1967... je me demande si la publication et son propos ont percolé jusqu'aux personnes qui ont participé à la mise en oeuvre de la rafle et à celles qui ont profité du "spectacle", et si elles se sont souvenues de ces jours-là et de leur rôle/posture d'alors. Si oui, quelles conclusions ont-elle tirées, 25 ans après la rafle? En plus de la réalisation artistique, je crois que c'est bien cette question de la réception du livre au-delà des cercles officiels et universitaires qui m'intéresserait le plus. Merci également de l'information concernant le nouveau mémorial, dont je prends note.

marilire Le 30/01/2023

Il est expliqué que le livre a surtout eu pour effet " d'officialiser " cette rafle dont on ne parlait pas, qui n'était pas reconnue à cause de l'implication de la police française alors qu'on ne reconnaissait pas encore vraiment la collaboration. Pourtant les auteurs ont recueilli les témoignages de survivants, d'évadés et de témoins. Il n'y avait commémoration que dans la communauté juive ( d'autant que le vélodrome d'hiver était détruit ). A Lyon, il y a déjà quelques années, à été présentée au Centre d'Histoire de la Résistance et de la déportation une exposition très intéressante sur le sujet ( et le discours sur ) de la collaboration. Elle s'appelait Traits Résistants parce qu'elle se déroulait sur l'angle de la représentation dans les albums BD. Sur le parcours chronologique, on pouvait constater l'évolution : seulement des résistants, puis des personnages moins " noir ou blanc " , enfin des histoires de collaboration active, de trahison, de marché noir, ou d'hommes ayant survécu qui portaient le fardeau d'avoir parlé suite à leur arrestation.
7 A_girl_from_earth Le 31/01/2023

Rien que la couverture est graphiquement impressionnante. J'ai raté le coche pour l'exposition qui m'aurait bien intéressée !

marilire Le 31/01/2023

Je sais bien que nous ne pouvons pas tout voir. Il reste les livres :)
8 Anne Le 01/02/2023

Dans les années 60, Papon était encore préfet de Paris, si je me souviens, pas de danger qu'on reconnaisse la Rafle du Vel' d'hiv', j'imagine...
9 tadloiducine Le 13/02/2023

Lors de la conférence à laquelle j'avais pu assister après ma visite de l'exposition, il avait été signalé que Cabu faisait des cauchemars lorsqu'il travaillait sur ces illustrations...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

Ajouter un commentaire

Nom

E-mail

Site Internet